Les cheminots du Mali observent depuis plus de deux mois une grève de la faim, après avoir passé neuf mois sans salaire. Une situation décriée par la plupart des médias et sur les réseaux sociaux de la place. Le bilan de la grève s’étend au-delà des 5 morts enregistrés pour avoir multiplier de nombreuses victimes qui sont loin des visières.
L’une des faces cachées de cette grève a été la destruction des foyers de certains grévistes. En effet plusieurs de leurs épouses se sont vues obligées de retourner vivre chez leurs parents. Certains mariages ont été brisés, les enfants renvoyés de l’école. Lassana Togola un des cheminots habitant au quartier Lafiabougou en commune 4 du district de Bamako peine à nous recevoir, il se terre dans un mutisme tant sa désolation semble grande. Aussi Togola préfère laisser sa femme s’exprimer sur leur difficile situation qu’on appelle ici ‘’la rude vie des femmes de cheminots’’ « La journée entière ne pourrait suffire pour parler de notre situation, nos maris souffrent énormément et nous sommes les premières à le sentir, nous n’avons plus de quoi nourrir les enfants, à plus forte raison subvenir aux autres besoins de la famille. En cas de maladie, on se contente de médicaments par terre, car l’hôpital est désormais un luxe pour nous autres. Je continue de supporter en espérant voir le bout du tunnel, sinon nombreuses sont les femmes de cheminots qui ont quitté leur mari. On a beau vouloir aider nos maris, mais une femme qui n’a pas de source de revenus ne pourrait soutenir son homme dans les dépenses familiales », témoigne Mme TogolaSélikènè Konaté. Mme Kouyaté N’na Traoré est l’épouse du cheminot Mamoutou Kouyaté, elle se dit désolée, humiliée et désespérée par cette « injustice » « On a demandé de l’aide à toutes les personnes envisageables dans notre entourage, maintenant plus possible d’en demander. Notre dignité en a pris un coup, et je n’ai pas de mot pour qualifier notre situation », s’indigne Mme Kouyaté qui habite avec sa famille à Sirakoro en commune III du district de Bamako.
Des familles disloquées !
Les enfants sont censés ignorer toute incapacité des parents, mais tel n’est plus le cas de ces enfants de cheminot, ils se retrouvent au cœur de l’action et se prononcent même sur le sujet « Ma sœur et moi avons été renvoyées de l’école privée que l’on fréquentait, le directeur nous reproche de ne pas avoir payé plusieurs mois de frais scolaires, mais ce n’est pas tout, nous sommes obligées de porter des chaussures usées et se contenter du minimum » nous explique Fatoumata Kouyaté, en classe de 9e année. Leur grand frère qui a été admis au baccalauréat a aussi des difficultés à pouvoir s’inscrire dans une faculté « Je suis censé être à la fac pour m’inscrire, mais papa n’a pas d’argent pour payer mes frais d’inscription. Présentement j’ai juste envie de quitter l’école et de chercher un petit métier pour au moins apporter quelque chose en famille». Voilà la réaction de Daouda Kouyaté, fils de cheminot qui se dit dépassé par le refus de l’Etat face à leur devoir.