Dans son ouvrage « Ma mère, ma bataille », Sébastien Chadaud-Pétronin accuse les autorités françaises de ne pas vouloir négocier.
Sébastien Chadaud-Pétronin n’est pas espion, aventurier, libérateur d’otages, spécialiste des djihadistes du Sahel, ni écrivain. C’est un fils pugnace, déterminé, parfois maladroit et naïf, mal à l’aise dans le monde dans lequel il se voit malgré lui obligé d’évoluer. Dès le titre de son livre, Ma mère, ma bataille, et le bandeau qui barre la couverture de l’ouvrage – « Ils m’avaient demandé de garder le silence. En révélant tout, j’abats ma dernière carte pour la libérer » –, on situe l’urgence, les motivations et les colères qui poussent cet homme à témoigner.
Sa mère, Sophie Pétronin, est la dernière otage française, retenue quelque part entre le Sahara et le Sahel par une katiba djihadiste. Elle a été enlevée à Gao, au Mali, le 24 décembre 2016. A en croire la dernière vidéo diffusée par ses geôliers, la santé de cette travailleuse humanitaire de 73 ans se détériore.
Lors de l’hommage rendu le 14 mai aux deux commandos marine tués dans la nuit du 9 au 10 mai dans le nord du Burkina Faso lors de la libération de deux otages français, Emmanuel Macron a promis que « la France ne l’oublie pas, car la France est une nation qui n’abandonne jamais ses enfants. » Dans son livre, publié quelques jours auparavant, Sébastien Chadaud-Pétronin donne une autre version, accusatoire envers le Quai d’Orsay, qui tout en l’accompagnant dans ses recherches n’a cessé, pense-t-il, d’entraver sa progression vers une solution négociée.
« Elle finira ses jours là-bas »
« Une somme à six chiffres, le dixième de ce qui se fait habituellement » avait été proposée comme rançon par ses ravisseurs à un intermédiaire malien à l’identité à peine maquillée. Paris a refusé de donner suite. Dès lors, « sauf improbable revirement de position de la France, elle finira ses jours là-bas, sous une tente », écrit-il, naviguant entre dépit et ultime espérance de faire évoluer les autorités.
Sur « l’échiquier géant » qu’il décrit, le fils de Sophie Pétronin, quadragénaire épris de montagne, tente notamment d’avancer son pion en direction d’un notable touareg du Niger, proche des services secrets français, qui négocia la libération des otages d’Arlit, d’un jeune chef d’un groupe armé au Mali en lien avec les soldats de l’opération « Barkhane » et enfin d’un journaliste mauritanien dont l’agence de presse est devenue une boîte aux lettres pour les revendications des djihadistes.
Les connaisseurs de la région n’auront aucun mal à leur retirer le léger masque dont les affuble l’auteur. Ce dernier ne s’est en revanche pas privé de mettre en cause le Quai d’Orsay, en premier lieu Jean-Yves Le Drian et son conseiller spécial, Jean-Claude Mallet. Il est peu de dire que ce brûlot a été mal apprécié par le ministère des affaires étrangères où l’on estime que Sébastien Chadaud-Pétronin a été « accompagné comme aucune autre famille d’otage ne l’a été » et que « sa douleur est manipulée par les ravisseurs ».
A la lecture de ce livre, on comprend en fait que Sophie Pétronin se retrouve désormais victime d’une doctrine souvent énoncée mais rarement appliquée par la France : celle de refuser tout versement de rançon.
« Ma mère, ma bataille », de Sébastien Chadaud-Pétronin, éd. Fayard (226 pages, 19 euros).
Le Monde Afrique