La présidence malienne a annoncé, jeudi soir, la libération des deux otages détenus par les djihadistes, depuis quatre ans pour l’humanitaire française et six mois pour l’opposant malien.
Soumaïla Cissé, leader de l’opposition malienne, ainsi que la dernière otage française encore détenue dans le monde, Sophie Pétronin, présumés aux mains des djihadistes jusqu’alors, ont été libérés, a annoncé, jeudi 8 octobre, la présidence malienne sur les réseaux sociaux. « Les ex-otages sont en route pour Bamako », a-t-elle indiqué sur Twitter.
Plus tard dans la soirée, le gouvernement malien a également annoncé la libération des Italiens Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli, un prêtre enlevé au Niger en 2018. Le rare signal que les deux otages italiens avaient donné depuis leurs enlèvements était une vidéo qu’avait reçue le journal nigérien Aïr Info en mars 2020.
Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé « sont dans l’avion pour Bamako », a dit un responsable de l’aéroport de Tessalit (Nord), cité par l’AFP, qui a dit les avoir vus embarquer. Ils « ont affirmé qu’ils étaient contents avant de monter dans l’avion », a-t-il rapporté sous le couvert de l’anonymat compte tenu de la sensibilité de l’affaire.
Aucun détail n’a été fourni dans un premier temps sur les circonstances de cette libération annoncée, qui se dessinait depuis le week-end et qui met fin à une épreuve de près de quatre années pour Mme Pétronin et de plus de six mois pour l’opposant malien. Aucune information n’a été fournie sur l’état de santé de Sophie Pétronin, 75 ans, et de Soumaïla Cissé, 70 ans. La libération des deux otages italiens n’avait pas été évoquée jusqu’alors. Une source proche des tractations a indiqué à l’AFP que l’opération avait été compliquée jusqu’au « dernier moment ». « Il y avait quelques problèmes. Mais, Dieu merci, tout se termine bien. »



Sophie Pétronin, 75 ans aujourd’hui, avait été enlevée le 24 décembre 2016 par des hommes armés à Gao (nord du Mali), où elle vivait et dirigeait depuis des années une organisation d’aide à l’enfance. Depuis sa capture, l’humanitaire française était apparue dans des vidéos diffusées en 2017 et 2018 par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance de groupes djihadistes affiliée à Al-Qaïda. La dernière où on la voit autrement qu’en photo, publiée mi-juin 2018, la montrait très fatiguée, le visage émacié, en appelant au président français Emmanuel Macron. Les images de l’otage n’ont cessé d’alarmer sa famille. Les proches se sont mobilisés sans répit pour sa libération, pressant le président Emmanuel Macron et le gouvernement français d’accepter de négocier avec les ravisseurs.
Soumaïla Cissé : un enlèvement sans précédent
Soumaïla Cissé, 70 ans, ancien ministre et chef de l’opposition parlementaire, est, quant à lui, la personnalité nationale la plus éminente kidnappée au Mali depuis que les rébellions indépendantistes et djihadistes de 2012 ont plongé le pays dans une crise sécuritaire profonde. La spirale des violences a causé, avec les tensions intercommunautaires, des milliers de morts civils et militaires, malgré le déploiement de forces françaises et internationales, et s’est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins. Le sort de cet opposant, deuxième à trois reprises de l’élection présidentielle, a constitué un des cris de ralliement de la contestation de plusieurs mois contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier a fini par être renversé par un putsch le 18 août. Les deux ex-otages étaient présumés être détenus par des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Négociations et échanges
Leur libération parachève une opération dont les dessous demeurent obscurs. Elle a été précédée par la libération, depuis le week-end par les nouvelles autorités maliennes sous la coupe des militaires, d’un nombre considérable de prisonniers – plus de 200, selon un organe d’information d’Al-Qaïda – présentés par des responsables maliens comme des djihadistes. Ces libérations ainsi que des déclarations de responsables maliens s’exprimant sous le couvert de l’anonymat suscitaient depuis quelques jours l’espoir que Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé retrouvent leurs familles. Au même moment, le fils de Sophie Pétronin, Sébastien Chadaud, prenait l’avion à destination de Bamako.
Les autorités maliennes ont, jusqu’à jeudi soir, observé un silence total, les autorités françaises invoquant de leur côté l’exigence d’une totale discrétion, sévèrement mise à mal par quatre jours de publicité. Pour le moment, ni la France ni le Mali n’ont communiqué sur l’identité et l’appartenance des djihadistes libérés.
Réactions françaises
Emmanuel Macron « a appris avec un immense soulagement la libération » de Sophie Pétronin, « retenue en otage au Mali depuis près de quatre ans », a indiqué l’Élysée dans un communiqué jeudi soir. « Heureux de la savoir libre », le président de la République « remercie tout particulièrement les autorités maliennes pour cette libération » et « les assure de l’entière volonté de la France de soutenir le Mali dans la lutte qu’il mène avec persévérance contre le terrorisme au Sahel ».
« Sophie Pétronin est libre ce soir. Après tant d’années de souffrances pour elle et pour ses proches, elle peut enfin retrouver les siens. Merci au Mali pour sa libération », a réagi Florence Parly, la ministre française des Armées. Le chef de la diplomatie française abonde dans le même sens : « Sophie Pétronin a enfin retrouvé la liberté ! Nous partageons avec sa famille et ses proches une immense joie, attendue depuis près de quatre ans. Mes plus vifs remerciements aux autorités maliennes, dont nous continuerons à soutenir la lutte contre le terrorisme au Sahel », a écrit Jean-Yves Le Drian sur Twitter.