Communiqué de presse (publié sur la
page facebook de l’artiste). Rokia Traoré est incarcérée en France
voici la note que rokia traoré avait écrite en décembre dernier : « que
valent les droits d’une femme et d’une petite fille? »
« Jusqu’en mai 2019 j’étais certaine que la justice des hommes en notre monde sert bien à maintenir un équilibre indispensable à nos libertés et notre sécurité. Mais avec effroi je découvre que nos droits ne pèsent pas le même poids dans la balance de mère Justitia selon que nous soyons femme travailleuse ou pas, noir ou blanc du point-de-vue de l’Europe ou de l’Afrique ».
Depuis le 30
octobre 2019 il existe un mandat d’arrêt international, indice rouge à mon
encontre, pour enlèvement, séquestration et prise d’otage.
J’ai été arrêtée d’abord au Sénégal, lors d’un voyage pour un spectacle
à Dakar, les autorités sénégalaises en vertu des accords CEDEAO et d’un
manque de précision dans le dossier ne coopèrent pas pour une extradition.
Ils signalent la situation à Interpol au Mali. À mon retour à Bamako le 4
novembre 2019 Interpol me convoque et m’entend. Interpol Bruxelles est averti
du fait que l’enfant signalée comme disparue est aussi de nationalité́ malienne
et vit au Mali avec sa mère depuis 2015. Interpol à Bamako me demande de les
tenir au courant de mes déplacements rester à leur disposition pour la suite
de leur enquête qui sera en fonction de la réponse d’Interpol Bruxelles.
J’arrive à Paris le 25 novembre 2019, pour prendre un deuxième avion à
destination de Moscou où je devais travailler dans une pièce de théâtre, je
suis arrêtée à la sortie de l’avion par trois agents de police qui étaient
spécialement venus m’accueillir/me cueillir, et Je suis amenée à un poste de
police à Roissy, mes empreintes digitales sont relevées, prise de photos, je
suis enregistrée comme criminel coupable d’enlèvement, de séquestration et
de prise d’otage, je passe la nuit dans une cellule de 110/220 cm, avec W-C
turque intégré. Je suis présentée menottée à l’avocat général à la
cours d’appel de Paris qui décide de me laisser librement me rendre à
Bruxelles m’expliquer au juge d’instruction ayant émis le mandat d’arrêt
international pour enlèvement, séquestration et prise d’otage.
Mon avocat prend contact avec le juge d’instruction à Bruxelles afin de
s’assurer que je puisse arriver jusqu’à son cabinet, entendre ce dont on
m’accuse, m’expliquer. Le juge d’instruction belge pose comme condition à la
levée du mandat d’arrêt international, afin que je puisse me rendre à
Bruxelles, la remise de l’enfant à son père.
Ma fille affirme avoir subi des gestes d’attouchement de son père.
– Le père en apprenant les propos de l’enfant, et tout en résidant à Marseille
où il travaille, engage une requête auprès du tribunal en droit de la
famille à Bruxelles pour que lui soit fixé un droit de visite et que son
autorité parentale soit prise en compte. Nous n’étions pas mariés civilement
et n’avions pas vécu en couple dans un domicile commun en Belgique. Je vivais
au Mali avec mes deux enfants de manière très officielle. Mais il n’y avait
jamais eu de refus de son droit de visite, ni de non- respect de son autorité
parentale.
– Le juge à Bruxelles s’octroie la compétence juridictionnelle malgré le
fait qu’aucune des parties ne vit en Belgique. Mais celui qui a porté plainte
est belge résidant en France.
– Le juge
décide de ne pas prendre en compte les certificats de fréquentation de mes
enfants dans des écoles internationales à Bamako afin de déterminer ma
réelle résidence et celle de l’enfant dont il est question dans le dossier
qu’elle a décidé de s’approprier.
– Je suis accusée de mes voyages pour mes concerts et mon rôle d’ambassadrice
de bonne volonté de l’UNHCR qui ne me laisseraient pas, selon la partie
adverse, le temps d’être une bonne mère. Mais il n’y a aucune preuve de la
fréquence de mes voyages et mes absences de la vie de mes enfants dans le
dossier.
Au vingt et unième siècle il ne serait apparemment pas permis à une femme
artiste avec une respectable carrière d’être aussi bonne mère.
– Il m’est reproché de vexer le juge à Bruxelles en étant pas présente
physiquement aux audiences. Mon avocate belge de l’époque m’explique « le juge
a particulièrement mal pris votre absence ». Je lui demande si elle n’avait
pas rappelé au juge que je vis à Bamako et que les billets d’avion coûtent
chers, en plus de mon hébergement à organiser pour chaque audience, en plus
des frais d’avocat ? L’avocate me répond : « bien, il faudra vous débrouiller
pour être présente à la prochaine audience ».
Le fait que j’avais veillé à trouver des avocats pour me représenter comme
j’ai pu à chaque fois en habitant sur un autre continent n’avait aucune
importance, le juge ne comprenait pas mon absence. Sachant qu’elle avait dans
le dossier toutes les preuves de ma vie et celle de mes enfants en Afrique.
Elle avait également les preuves que j’avais mes deux enfants à charge. Le
père lui-même explique dans son dossier ne pas être en mesure de contribuer
à la vie de son enfant.
– Compte n’est pas tenu d’affirmations de ma fille de quatre ans expliquant des
gestes attouchements de son père.
– Une décision de justice belge me retire la garde de l’enfant, l’attribue au
père qui n’a jamais vécu avec elle, ne s’est jamais occupé d’elle que
pendant des périodes courtes de vacances.
– Je dois amener mon enfant et la remettre au père en Belgique, alors que ce
dernier affirme l’avoir inscrite dans une école en France à Marseille. Le
juge précise bien que le père inscrira l’enfant dans l’école de son choix.
– Aucun droit de garde n’est défini pour moi, aucun droit à un avis sur
l’école dans laquelle le père l’inscrirait, ou le genre de vie qu’il lui
organiserait en étant célibataire, directeur d’un festival important et
absent au moins deux semaines par mois pour son travail.
L’enfant est de nationalité malienne aussi, elle vit à Bamako avec moi depuis
sa naissance, elle y fréquente une école internationale depuis 2017.
Au moment de
la décision du tribunal de Bruxelles confiant sa garde au père son école
avait repris depuis deux mois. Le père n’a fourni aucune garantie de lui faire
continuer sa scolarité dans le même type d’école.
Je suis accusée de non-présentation d’enfant transformée en enlèvement,
séquestration et prise d’otage malgré le fait que mon enfant va à l’école
depuis août 2017 à Bamako où nous vivons.
Il ne m’a jamais été notifié de mandat d’arrêt émanant de la Belgique ou
de convocation avant ma première arrestation à Dakar où je découvre que je
suis recherchée par Interpol sans réussir à comprendre comment ? Pourquoi ?
À l’époque mon avocat belge explique qu’en raison du nombre important de
juges d’instruction il n’avait pu avoir d’information sur celui qui avait émis
le mandat d’arrêt international pour un enlèvement d’enfant. Il n’y avait pas
eu d’enlèvement d’enfant.
Pourtant la justice Belge a mes coordonnées, mon email, mon numéro de
téléphone portable français. Une citation à comparaître m’avait bien été
envoyée par email un 1er mai et avait été validée par le juge aux affaires
familiales belge auparavant.
Apparemment seule la Belgique pourrait lever ce mandat d’arrêt international.
Le fait que je sois une mère normale, honnête avec une décision de garde
exclusive de mon enfant par un système de justice en Afrique où nous vivons
n’y change rien.
Malgré le grand respect que j’ai pour la justice et ses représentants en tout
ce que je fais et partout où je vais dans le monde, je ne peux livrer ma fille
dans de telles conditions.
Selon ce que m’a affirmé mon deuxième avocat belge, une décision
exécutoire, dans le cadre d’un jugement définitif en première instance ne me
laissait aucun choix malgré la possibilité d’appel qui n’est pas suspensive.
Il n’y avait aucun recours selon cet avocat pour demander que l’enfant reste
dans sa vie habituelle pour au moins achever l’année scolaire et le temps de
la procédure d’appel.
Il est clair que le jugement ne prend pas en compte les perturbations certaines
de l’enfant du fait de la retirer de l’environnement qu’elle a toujours connu,
la confier à un père dont on ne sait pas comment il s’organiserait pour
s’occuper d’un enfant de quatre ans qu’il n’avait jamais élevé auparavant,
puis éventuellement la remettre à nouveau à sa mère selon l’issue de la
requête d’appel.
Les délais en matière d’appel à Bruxelles accusent un retard d’un an en ce
moment selon mon troisième avocat belge.
en Belgique les enfants seraient traités comme s’ils étaient un bien
matériel qu’il est possible d’octroyer, retirer et réattribuer dans n’importe
quels environnements. Ou alors ce traitement concernerait-il uniquement des enfants
nés de mères porteuses noires qui n’ont aucun droit et dont les enfants n’ont
aucun droit en dehors de leur belgitude ?
Je suis terrorisée, ma liberté entravée, ma carrière en danger. Je suis
poursuivie au même titre que les criminels de haut niveau par ce qu’un juge a
clairement décidé de placer les intérêts d’un belge avant les droits d’un
enfant et ceux d’une femme qui n’a commis d’autre crime que de protéger son
enfant.
Aucun compte
n’est tenu de la souveraineté du Mali. Malgré tout, ce pays reste un état
où séjournent encore aujourd’hui des ressortissants européens dans le cadre
de coopérations internationales. Jusqu’à preuve du contraire le Mali est un
état indépendant dont les ressortissants ont des droits. Moi et mes enfants
sommes maliens, j’ai fait le choix de les élever au Mali. Je travaille et
réussi ce choix honnêtement et dans le respect des lois.
Je suis choquée, de la facilité avec laquelle des moyens judiciaires et
sécuritaires internationaux élaborés à la base pour assurer la sérénité
la meilleure possible pour les citoyens de tous les pays peuvent être
détournés à des fins de persécution d’une mère inoffensive et honnête,
sans aucun antécédent criminel connu dans le système judiciaire, sans aucune
perturbation psychiatrique connue et dont la résidence et l’identité sont
parfaitement connues de tous.
Il serait plus simple d’entreprendre une procédure d’exéquatur avec le Mali,
pays clairement indiqué comme ma résidence avec mes enfants.
Pour quelle raisons est-ce que ce n’est pas le cas dans une affaire en droit de
la famille où les identités et résidences de toutes les parties sont connues
?
Par ce que l’Europe est toute puissante ?
Encore de nos jours, si les enfants métisses ne sont plus retirés de mères
esclaves ou sous domination coloniale, si désormais noirs et blancs partout
dans le monde partagent les mêmes espaces publiques et sont officiellement égaux,
les droits d’un père blanc belge auraient quand même plus de poids que ceux
d’une mère noire et une petite fille métisse ?
L’audience d’appel est prévue en mars 2020. Je ne pourrais m’y rendre si je
suis toujours accusée d’enlèvement séquestration et prise d’otage et que je
suis pas allée m’expliquer avec le juge d’instruction à Bruxelles, avec le
risque d’une condamnation à la prison de toute façon.
N’ayant pas respecté la décision de justice belge et livré ma fille en
Belgique pour les raisons expliquées plus haut, je suis effectivement coupable
de non-présentation d’enfant, un délit, un dossier en correctionnel. Mais
techniquement il n’y a pas eu d’enlèvement, puisque l’enfant était à Bamako
où elle vivait avec des attaches vérifiables depuis au moins 2017. Aucune
décision de justice confiant l’enfant à son père, ou définissant les
modalités d’un droit de visite pour le père n’existait avant la décision de
justice belge datant d’octobre 2019.
L’irrégularité, en raison de la non-compétence juridictionnelle de
Bruxelles, de la procédure ayant mené à cette décision ne peut être
reconnue éventuellement qu’à partir de l’appel afin que moi-même et l’enfant
soyons remises dans nos droits.
En plus du fait qu’à ce jour je ne suis pas libre de voyager et travailler, si
je ne peux me rendre en Belgique pour l’audience d’appel, mon droit d’appel
serait automatiquement annulé selon la justice belge.
Selon les avocats, j’aurais deux choix à ce jours :
1- Amener ma fille et la livrer en Belgique en attendant la fin de la
procédure d’appel, puis éventuellement récupérer l’enfant dans au moins
plus d’un an si la non- compétence juridictionnelle de Bruxelles est reconnue,
ou que le soupçon d’attouchements du père était sérieusement pris en
compte. En attendant je n’aurai aucun droit de visite, aucun avis possible sur
ce que le père ferait avec l’enfant y
compris
éventuellement l’amener vivre où il voudrait dans le monde avant la fin de la
procédure d’appel.
2- Privilégier l’épanouissement, l’équilibre et la sécurité de mon enfant,
ne pas la livrer en Belgique et rester confinée avec elle au Mali en attendant
ses 18 ans, changer de vie professionnelle si je peux afin de continuer à
gagner ma vie et continuer à assumer mes deux enfants.
Dans ce cas je demeurerais une criminel recherchée pour enlèvement,
séquestration et prise d’otage. Cet intitulé d’accusation me vaut une alerte
indice rouge dans le système de recherche INTERPOL. Ce qui implique un niveau de
vigilance requis pour les terroristes et les grands criminels.