Les attaques récurrentes des groupes armés terroristes contre certains Etats du Sahel ont des conséquences tragiques inestimables sur les plans humain, social, politique, économique et culturel, a déclaré le Think Thank Afrikajom Center aujourd’hui.
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Afrikajom Center interpelle la communauté africaine et internationale à prendre conscience que la déflagration qui s’abat sur le Sahel et qui ébranle les assises les plus solides des institutions sécuritaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces redoutables défis sécuritaires ne s’adressent pas uniquement aux seuls pays du G5 Sahel, mais constituent une véritable menace pour la sécurité régionale et internationale qui doit être traitée de façon plus appropriée avec la stratégie et les moyens idoines.
Les groupes armés terroristes qui fonctionnent en coalition dont les plus
importants sont : le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM)
et l’Etat Islamique au grand Sahara (EIGS), ils sont de mieux en mieux armés,
de mieux en mieux organisés et de plus en plus téméraires avec un agenda qui
leur assure toujours une avance sur les Etats ciblés, souvent pris de cours et
surpris par les effets catastrophiques des attaques.
Jamais ces Etats n’ont été aussi menacés dans leur survie,aussi vulnérables dans
leur histoire politique depuis les indépendances. D’autant plus que la
communauté internationale et africaine n’a jamais semblé si impuissante en
dépit de l’impressionnant dispositif sur le terrain avec les troupes de la
MINUSMA, de Barkhane, du G5 Sahel et de l’appui de l’Union Européenne, des
budgets et de toute la logistique investie. Le basculement sécuritaire et la
situation en Libye qui s’est opéré au Sahel a créé un véritable cocktail de
violence et l’irruption d’acteurs de toutes sortes avec les milices armées, la
criminalité transnationale, sans compter les acteurs hybrides.
Il faut désormais prendre acte que les deux mécanismes de régulation de la paix au Sahel n’ont pas encore donné les résultats escomptés, à savoir : celui fondé sur une approche mettant trop l’accent sur les moyens militaires dans la lutte contre le terrorisme et la construction de la paix et de la réconciliation nationale, fondée sur l’existence d’un accord de paix, comme c’est le cas avec le Mali qui est doté de l’accord de paix d’Alger de 2015 soutenu par des tentatives de dialogue, de réconciliation nationale ou de déradicalisation (Niger).
« Nous
exprimons notre profonde préoccupation, notre vive indignation et condamnons
avec la dernière énergie ces attaques et appelons les Etats à repenser de façon
globale et holistique les stratégies sécuritaires nationales qui toutes, ont
montré leurs limites », a déclaré Alioune Tine, Fondateur d’Afrikajom.
« Il faut sérieusement examiner au Sahel la mise en place d’une
stratégie régionale fondée sur une approche basée sur la sécurité
humaine ».
Un regard rapide sur la récurrence des attaques au Sahel permet de
relever les faits suivants.
Niger
La dégradation de la situation sécuritaire est continue, au regard des
événements qui se sont déroulés depuis quelque temps. Avec le bilan
suivant :
plus de 250 personnes civiles tuées et plus de 250 enlèvements. Le bilan 2019
de la crise sécuritaire sur les frontières a atteint des chiffres très
préoccupants. Les récentes attaques des groupes armés terroristes dans le camp
militaire d’Inates à l’ouest de la frontière malienne ont fait un total de 71
morts et de plusieurs personnes disparues. C’est l’attaque la plus meurtrière
depuis le début de l’insurrection en 2015, l’attaque contre ce même camp
(Inates) en Juillet 2019 avait fait 18 morts.



A cela s’ajoutent les conséquences humanitaires tragiques de la dégradation de
la sécurité dans les régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri qui sont
dramatiques : environ 80 000 personnes ont été déplacées depuis le
début de l’année et on note également un flux de 40 000 réfugiés nigérians
venant des Etats de Sokoto, Zamfara et Katsina basés dans la région de Maradi.
A cela s’ajoute la fermeture des écoles dans pratiquement toutes les zones
affectées par le conflit.
Mali
C’est l’épicentre de la crise sécuritaire au Sahel qui présente le bilan le
plus lourd avec :
208 victimes suite aux attaques djihadistes dans 9 localités différentes
en 2018.
De Janvier à Novembre 2019, 472 morts en 17 attaques dans 17 localités ont été
enregistrées. Elles ont toutes été revendiquées par les groupes armés
terroristes dans 9 localités différentes situées dans les régions du Nord et
tout particulièrement dans la région de Mopti au centre du Mali. Les régions du
Nord, Tombouctou, Kidal, Gao et Mopti sont celles qui subissent le plus
grand nombre d’attaques. On compte un total de 720 morts en 2019.



Concernant l’éducation : pour la première fois plus de 1200 écoles ont été
fermées ce qui représente 13% des écoles de ces régions, près de
3 000 000 d’élèves sont aujourd’hui non scolarisés ; cela
représente une véritable bombe sociale pour l’avenir.
Concernant les Personnes Déplacées Internes (PDI), 52% sont des femmes et 48%
sont des hommes.
Burkina
L’année 2018 est caractérisée par une dégradation croissante de la situation
sécuritaire précisément entre Mars et Décembre 2018, 10 attaques djihadistes
ont été répertoriées et feraient 45 morts et 92 blessés.
L’année 2019 a été la plus meurtrière avec un total de 39 attaques
faisant 594 morts et 85 blessés, entre Janvier et Novembre 2019. Les régions du
Nord et du Nord-Ouest sont les plus touchées. Du début de l’année 2015 Ã
nos jours, les attaques des groupes armés terroristes ont fait près de 635
morts et près de 500 000 déplacés internes et réfugiés selon l’ONU.
En ce qui concerne la situation humanitaire, selon le HCR, 267 000 personnes ont fui les attaques djihadistes dans le Nord et l’Est du Burkina en 3 mois portant le nombre de déplacés et de réfugiés à 486 000. Les provinces de Sanmatinga et Soum ont accueilli 329 000 d’entre eux et 16 000 autres sont réfugiés dans les pays voisins.



Les
violences liées au terrorisme ont fait près de 300 000 déplacés internes,
500 000 autres auraient été privés de soins en raison des attaques djihadistes.
Dans le secteur de l’éducation, plus de 2000 écoles ont été fermées depuis le
début des violences djihadistes selon l’UNICEF.
Afrikajom Center estime que le temps est
venu :
De repenser les politiques sécuritaires en fonction du contexte,
de la nature des Etats souvent faibles, non préparés à faire face aux conflits
asymétriques, peu présents sur toute l’étendue d’immense territoire ou
simplement totalement absents. Cette absence d’Etat a créé des espaces de non
droit qui constituent des sanctuaires pour des acteurs criminels de toutes
sortes et a souvent permis aux groupes armés de se substituer aux Etats, de
s’installer et d’offrir certains services sociaux de base, la justice et même
la sécurité aux populations locales. De plus en plus ces groupes armés
exploitent les ressources du pays, lèvent l’impôt et les taxes auprès des
populations locales ;
De créer dans les meilleurs délais une troupe formée de militaires de
tous les pays de la CEDEAO spécialisée dans le combat contre le terrorisme,
chargée de soutenir les pays du Sahel ;
D’explorer toutes
les possibilités offertes par la réconciliation, par le dialogue politique,
surtout avec les citoyens entrés en rébellion contre leurs Etats. Ces
rebellions permettent de constater les fractures profondes dans le
développement entre les zones urbaines et les zones rurales ;
De passer en revue les pathologies de l’Etat post colonial, la
déliquescence des outils de la régulation de la démocratie, de la gouvernance,
de la sécurité et de l’environnement. La question de la corruption qui gangrène
l’Etat, les institutions et la société de même que la question de l’impunité et
des violations des droits humains sont de nature à créer de profondes
inégalités et des fossés entre les élites urbaines et le monde rurale. On met
rarement l’accent dans ces conflits sur les effets du changement climatique qui
crée des pressions et des compétitions à l’accès à certaines ressources
notamment à l’eau et à la terre. Le macrocéphalisme des Etats ou toutes les
institutions, les ressources, les infrastructures, les services sont concentrés
dans la capitale ;
Dans l’immédiat, trouver les mécanismes appropriés pour anticiper sur
les attaques armées terroristes en renforçant l’efficacité des mécanismes
d’alertes précoces et des réponses rapides de la CEDEAO de manière à prévenir
les attaques des groupes armés terroristes ;
d’associer les organisations de la société civile et les collectivités
locales dans la collecte d’informations et la mise en œuvre des politiques de
réconciliation.
Afrikajom center lance un appel à l’UA et à la CEDEAO avec l’aide de la
communauté internationale d’organiser une revue des politiques sécuritaires
nationales au Sahel, pour constater leur inefficacité afin d’élaborer une
réponse sécuritaire régionale holistique fondée sur une approche de la sécurité
humaine.
« Nous recommandons aux Etats de mettre en place des groupes de réflexion
sur les vulnérabilités, les fragilités, les menaces et les pathologies des
Etats post coloniaux afin de leur trouver les soins les plus appropriés »,
a déclaré Mamadou Sawadogo, représentant de Afrikajom au Burkina Faso.
« Nous mettons également en garde contre les effets totalement négatifs de
l’échec continu des politiques de sécurité inadaptées sur le mental des
populations gagnées par le ressentiment, les frustrations et la colère ».
impact